Indice de la corruption 2024: une situation globale qui inquiète, la France dégringole dans le classement

Comme chaque année, l’ONG Transparency International a publié son Indice mondial de perception de la Corruption (IPC, ou CPI pour sa version anglaise). Nous étions brièvement revenus dessus l’an dernier pour l’indice 2023, et avons souhaité reconduire l’exercice de manière plus complète pour cette édition 2024. Cette couverture est nécessaire pour plusieurs raisons : d’abord parce qu’il s’agit de l’indicateur de mesure de la corruption de référence, et qu’il peut en ce sens être utile, tant pour sa dimension politique que pour son impact opérationnel – il peut notamment intéresser les Compliance Officers pour leurs analyses des risques. Ensuite et surtout parce que la corruption constitue un pan majeur de la criminalité financière. La lutte contre la corruption est trop souvent considérée dans sa dimension idéologique, alors qu’il s’agit bien d’un facteur déterminant dans le combat contre le blanchiment, le financement du terrorisme, la fraude fiscale et pour la solidité du système économique et financier. Enfin parce que cette édition 2024 souligne une baisse significative du classement de la France – ce qui doit alerter nos responsables politiques.

Cette nouvelle publication se compose comme d’habitude d’une carte du monde et d’un classement, attribuant un IPC à 180 pays et territoires, sur une échelle allant de 0 (corruption la plus forte) à 100 (corruption nulle). Elle est accompagnée d’un communiqué de presse global, et de communications régionales spécifiques.

Une situation globale qui stagne

A l’échelle mondiale, le bilan est toujours inquiétant. Les scores vont de 8 sur 100 (Soudan du Sud) à 90 (le Danemark obtient le score élevé pour la septième année consécutive). La moyenne mondiale se situe à 43, comme l’année dernière. Le communiqué de Transparency n’hésite pas à parler de « niveaux de corruption […] alarmants de par la monde », ajoutant que « la lutte contre la corruption s’essouffle ».

Ce ton sévère se justifie par les chiffres : près de 85% de la population mondiale vit dans un pays dont l’indice de perception de la corruption est inférieur à 50. Et pour cause, la répartition géographique est assez explicite : la quasi-intégralité des pays d’Afrique, d’Amérique du Sud et d’Asie ont un IPC faible. L’Inde et la Chine, les deux pays les plus peuplés, ont respectivement des scores de 38 et 43. Les situations des pays occidentaux sont également variables, certains pays d’Europe de l’Est disposent de scores faibles : la Bosnie (33, pays classé 114ème sur 180), la Serbie (35, 105ème) ou encore la Hongrie (41, 82ème). Les Etats-Unis ont un score tout à fait moyen (65, classé 28ème) et surtout en diminution par rapport à l’indice précédent (69, classé 24ème en 2023).

L’IPC 2024 des états de l’Union Africaine

On se rassurera avec quelques bonnes nouvelles : les pays scandinaves et d’Europe du Nord demeurent toujours très bien notés, tandis que le score de Singapour est en augmentation, la cité-état intégrant le podium avec un score de 84, faisant figure d’exception en Asie du Sud-Est. Sur le continent Africain, on relèvera les scores encourageants de certains pays d’Afrique de l’Ouest, notamment la Côte d’Ivoire (score de 45, en progression de cinq points) et le Bénin (45 également, +2 par rapport à l’année dernière), mais aussi du Rwanda (score de 57, +4 par rapport à l’année dernière, classé 43ème), du Cap-Vert (62, 35ème) et des Seychelles (72, classé 18ème).

Le rôle dévastateur de la corruption sur l’action climatique

Derrière ces chiffres bruts, des impacts immédiats : dans le communiqué de presse accompagnant la publication de l’IPC, Transparency souligne le lien entre corruption et crise climatique. D’abord, en relevant que de nombreux pays très exposés à la corruption (score inférieur à 50) sont eux-mêmes vulnérables aux risques climatiques, et nécessitent donc des investissements et des politiques publiques d’ampleur. Ensuite, parce que plusieurs états de la « diplomatie climatique » sont eux-mêmes exposés à la corruption. L’ONG mentionne notamment l’influence des lobbyistes des énergies fossiles lors des évènements majeurs comme les COPs.

Le poids de la corruption sur l’action politique, notamment en matière de lutte contre le dérèglement climatique, apparaît donc majeur et accentue les inégalités à l’échelle du monde, alors que les états frappés par les conflits apparaissent déjà en bas de classement : le Soudan du Sud, toujours touché par les conséquences de la guerre civile, est en dernier position (score de 8), précédé notamment par la Somalie (9), la Syrie (12), la Libye (13) et le Yémen (13).

La France dégringole dans le classement : une situation inquiétante

Enfin, comment ne pas revenir, à l’occasion de la publication de ce nouvel indice, sur la situation alarmante de la France ? L’hexagone obtient un score de 67, en baisse de 4 points par rapport à 2023, et est désormais classé 25ème (20ème l’an dernier). Une baisse inédite, qui s’explique par l’influence croissante des cabinets de conseil et des lobbys, susceptibles de tirer profit d’un contexte politique troublé et d’une situation de grande incertitude économique.

Pour remédier à la situation, Transparency France propose plusieurs réformes structurelles, déjà portées par l’ONG ces derniers mois, notamment un renforcement significatif des moyens du Parquet National Financier, une obligation de transparence quant aux rencontres entre les lobbys et les responsables politiques, ou encore un pilotage de la politique de lutte contre la corruption par le Premier Ministre.

 

Cette nouvelle édition de l’IPC reflète encore une fois le gros travail effectué par Transparency, et rappelle plus que jamais l’importance de l’enjeu de la lutte contre la corruption pour la stabilité mondiale et pour la confiance en notre système économique.

La carte, le classement et la situation individuelle des pays est accessible sur le site de Transparency directement. Le communiqué de presse, en français, peut être consulté en suivant ce lien. Le communiqué portant spécifiquement sur la situation de la France est accessible sur le site de la section française de Transparency.

Classement complet de l’IPC 2024, Transparency International

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