Rapport annuel: l’activité de la Commission Nationale des Sanctions s’est accrue en 2023
La Commission Nationale des Sanctions (CNS) vient de publier son rapport d’activité portant sur l’année… 2023. Un rapport qui arrive un peu en retard, mais qui permet tout de même d’obtenir des informations intéressantes pour une institution encore peu connue, et dont l’activité, en plein essor, apparaît déterminante pour la solidité du dispositif national de LCB-FT.
Pour rappel, il s’agit ici de l’activité de la CNS, Commission rattachée auprès du ministre de l’économie, et non de la Commission des Sanctions de l’ACPR, dont le périmètre est limité aux institutions financières.
Ce nouveau rapport annuel rappelle d’abord la composition de la CNS, ses missions et compétences – dans une volonté de sensibilisation et de pédagogie à l’égard des secteurs qui relèvent de son autorité, soit les professionnels de la vente et location d’immobilier de luxe, mais aussi les casinos, clubs de jeux et opérateurs de paris, les antiquaires ou encore les agents sportifs. Autant de professionnels souvent moins familiers des obligations de LCB-FT que les établissements financiers, plus exposés mais aussi plus suivis par les autorités de contrôle. La CNS indique ainsi constater « une trop lente diffusion de la bonne mise en œuvre des prescriptions relatives à la lutte anti-blanchiment dans les secteurs professionnels relevant de sa compétence, malgré des progrès réels depuis 2014 ». La Commission peut être saisie par les autorités de contrôle des secteurs concernés, notamment la DGCCRF, l’Autorité Nationale des Jeux et la direction générale des douanes et des droits indirects.
Le rapport revient ensuite sur les décisions rendues en 2023, et formule quelques recommandations à destination des pouvoirs publics.
Davantage de saisines, davantage de sanctions
L’activité de la CNS a été soutenue en 2023 : elle a été saisie de 68 dossiers et a rendu 52 décisions – deux de moins qu’en 2022, mais largement plus que la trentaine en moyenne donnée annuellement entre 2014 et 2021. Ces décisions ont donné lieu à 195 sanctions (disciplinaires et/ou pécuniaires), prononcées à l’encontre de 160 personnes (48 personnes morales et 58 personnes physiques – en général les dirigeants des personnes morales), en augmentation de 3,7% par rapport à 2022. Les principaux secteurs concernés sont ceux de l’immobilier (62,5%) et de la domiciliation (33,3%). Les sanctions prononcées contre des marchands d’art ou des casinos demeurent marginales.
Extrait du rapport d’activité 2023 de la CNS, page 9
Dans près de la moitié des cas, ces sanctions ont donné lieu à des interdictions temporaires d’activité, avec sursis la plupart du temps. 90% des sanctions incluent par ailleurs une dimension pécuniaire – de 500 à 50 000 euros. Surtout, ces sanctions sont souvent publiques et nominatives – elles sont accessibles depuis le site du ministère de l’économie.
Au-delà des chiffres, le rapport présente un panorama détaillé des décisions rendues en 2023, mettant en lumière les types de manquements les plus fréquents, en particulier l’absence de dispositif d’identification et d’évaluation des risques et des défaillances dans l’identification et la vérification de l’identité des clients et bénéficiaires effectifs – ce dernier sujet étant particulièrement sensible pour le secteur de l’immobilier de luxe, vecteur très utilisé dans des schémas de blanchiment et de fraude fiscale et davantage contrôlé ces derniers mois.
Un objectif prioritaire : mieux faire connaître les obligations de LCB-FT
Outre cet état des lieux de son activité, la Commission profite de cette publication pour formuler quelques recommandations afin de mobiliser davantage les professionnels assujettis.
On retiendra surtout la volonté de soutenir les actions favorisant le renforcement de la compréhension des obligations de LCB-FT par des entités souvent de petite taille : communiquer plus sur les publications de lignes directrices, impliquer davantage les réseaux professionnels, mieux faire connaître les obligations déclaratives – cette dernière démarche ayant été identifiée comme un axe prioritaire par Tracfin. La CNS mentionne aussi le besoin de renforcer les pratiques de contrôles exercées par les autorités compétentes, notamment via une meilleure prise en compte des technologies numériques. Enfin, le rapport suggère plusieurs évolutions juridiques, la plus spectaculaire étant le conditionnement de la délivrance de cartes professionnelles et agréments à l’accomplissement d’une formation dédiée à la LCB-FT.
Le rapport est disponible sur le site internet du ministère de l’économie et des finances, et accessible en téléchargement en suivant ce lien.
Qu’est-ce que la Commission Nationale des Sanctions ?
La Commission Nationale des Sanctions (CNS) est l’institution chargée de sanctionner les manquements relatifs aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme commis par les professionnels des secteurs relevant de sa compétence, parmi les assujettis définis au sein de l’article L.561-2 du code monétaire et financier. Cela inclut les intermédiaires immobiliers sous certaines conditions, les personnes exerçant l’activité de domiciliation, les professionnels des jeux et paris, les négociants d’œuvres d’art et d’antiquités à partir d’un certain montant et les agents sportifs.
La CNS ne procède pas elle-même à des contrôles : elle est saisie par les autorités compétentes pour sanctionner les manquements identifiés, selon les secteurs concernés.
Elle a débuté son activité en 2014, et est présidée depuis 2023 par Cécile Chaduteau-Monplaisir.