Tracfin publie son rapport d’activité 2021

La Cellule de Renseignement Financier (CRF) française Tracfin a publié le 27 juillet dernier un rapport d’activité portant sur l’année 2021. Cette publication rend compte des actions du service au cours de l’exercice écoulé et donne des éléments d’informations sur l’activité déclarative des professionnels assujettis. Le rapport propose également une analyse des circuits financiers clandestins utilisés ou développés au cours de l’année.

Le rapport est accessible publiquement depuis le site du ministère de l’économie. Il fait suite à plusieurs autres publications annuelles publiées depuis des années, toutes accessibles en ligne.  

Le rapport de 164 pages est accompagné d’une synthèse, également disponible en anglais. Le corps du rapport est composé de trois grandes parties, complétées par une partie d’annexes relativement courte.

Une activité déclarative en progression constante malgré le Covid

La première partie est consacrée aux « faits saillants 2021-2022 », et comprend notamment les données quantitatives permettant d’apprécier l’activité déclarative des professions impliquées dans la LCB-FT. On peut ainsi noter que 165 171 informations ont été communiquées à Tracfin, en augmentation significative (+43%) par rapport à 2020. Ces informations sont composées pour l’essentiel des Déclarations de Soupçon (DS – 160 952, envoyées par les établissements financiers et professionnels assujettis), ainsi que de quelques informations de soupçon (2 194, transmises par les organismes publics) et informations communiquées par les CRF étrangères. S’y ajoutent près de 40 millions de COSI (Communication Systématiques d’Informations – déclarations d’informations portant sur des opérations de transmission de fonds effectuées à partir d’un versement en espèces ou au moyen de monnaie électronique, à partir de montants définis).

Cette première partie mentionne également l’évaluation de la France par le GAFI à laquelle Tracfin a activement participé, et fournit de manière plus surprenante des informations détaillées sur les effectifs du service (qui atteignent 196 agents fin 2021, contre 191 un an plus tôt, et même 72 seulement en 2010). Ces informations sur les effectifs (dont la composition, l’âge moyen ou encore les origines professionnelles sont communiquées) semblent souligner la volonté de Tracfin de poursuivre sa démarche de transparence et de gain de notoriété initiée il y a quelques mois, avec notamment la création d’un compte LinkedIn dont le rythme de publications est demeuré soutenu.

Fraude au CPF, rançongiciels, cryptos: Tracfin suit les risques émergents

La deuxième partie, plus longue et plus analytique, propose un état des lieux des circuits financiers clandestins. Plusieurs sous-parties sont consacrées au blanchiment, aux escroqueries et fraudes, à certains secteurs spécifiques tel que l’immobilier ou les crypto-actifs, à différentes activités criminelles et aux techniques d’investigation de Tracfin.

Que retenir de ces 80 pages rendant compte de la criminalité financière française ? D’abord que les fraudes sont en croissance persistante. Cela concerne aussi bien les particuliers, via des fraudes aux faux ordres de virements ou utilisant le compte personnel de formation, que les sociétés ou l’État directement, après notamment deux ans de détournement des dispositifs Covid. Le secteur de l’immobilier demeure par ailleurs un vecteur privilégié de blanchiment de capitaux.

Ensuite, que Tracfin a été très impliqué dans l’analyse du dispositif national de gel des avoirs et de lutte contre le financement du terrorisme. Le rapport mentionne les activités du service à l’encontre de l’ingérence par les puissances étrangères - notamment s’agissant de la promotion de la radicalisation - mais aussi à l’encontre des réseaux internationaux de trafic de stupéfiants et des actes violents issus des mouvements et idéologies d’extrême droite – phénomène présenté comme étant en hausse.

Une section entière de cette troisième partie est également consacrée aux risques spécifiques liés aux crypto-actifs. Outre un encart dédié au projet de réglementation européenne MICA, le rapport mentionne les risques d’escroqueries associés aux raçongiciels et les pratiques de blanchiment en cryptoactifs, qui se sont beaucoup développées ces dernières années. Tracfin affirme s’être dotée d’une équipe d’exploration des blockchains afin de suivre les flux et être en mesure d’investiguer une déclaration faisant suite à une escroquerie via rançongiciel. Au-delà du risque d’escroquerie, le rapport mentionne des sollicitations faisant suite à des cas d’omission de déclaration à l’administration fiscale, les cas spécifiques des ICO (Initial Coin Offering), le développement de la finance décentralisée et le marché des jetons non fongibles (NFT) – autant de services qui se développent en dehors de tout cadre réglementaire en matière de LCB-FT. La CRF française semble donc suivre avec attention ces sujets afin de ne pas se retrouver dépassée par la technologie et de conserver une bonne vision des schémas de blanchiment, même si elle apparaît relativement impuissante face à l’émergence de ces marchés.

On peut enfin noter que le rôle de Tracfin dans l’application et le suivi des mesures de gels des avoirs faisant suite aux sanctions contre la Russie, postérieur à l’année 2021, fait tout de même l’objet d’une mention dans un encart dédié (page 73 du rapport). Cette partie n’est pas très précise, et sera certainement détaillée bien davantage dans le prochain rapport annuel.

Un exercice pédagogique à destination des professionnels

La troisième partie du rapport revient enfin sur les éléments statistiques des informations reçues et analysées en 2021. On y trouve ainsi le découpage précis des DS envoyées par les professions assujettis : sans surprise, l’immense majorité des DS repose sur le travail déclaratif des banques (47%) et des établissements de paiement (44,6%).  Le corps du rapport se termine par 17 fiches thématiques soulignant les tendances de l’activité déclarative par profession.

 

Dans les grandes lignes, ce rapport s’avère donc très pédagogique et plutôt complet, à défaut d’être détaillé. La vision qu’il donne du paysage français de la criminalité financière est pertinente. C’est une bonne chose, notamment dans la mesure où la règlementation et la jurisprudence incitent les assujettis à prendre en compte les publications des institutions liées à l’encadrement de la LCB-FT dans leur classification des risques. En outre, nous ne pouvons qu’applaudir la démarche de transparence initiée par Tracfin depuis plusieurs mois, qui peut contribuer à sensibiliser davantage le grand public et les professions exposées aux enjeux de la LCB-FT. 

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