Guerre en Ukraine: quels impacts pour les dispositifs LCB-FT?

La situation actuelle en Ukraine, en constante évolution, est susceptible d’avoir un impact significatif en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Les établissements financiers, en particulier les banques, vont devoir adapter leur dispositif en conséquence. On peut identifier des impacts du conflit en Ukraine à trois différents niveaux : s’agissant du gel des avoirs et des embargos issus des sanctions internationales d’une part, s’agissant de la cartographie des risques des établissements d’autre part, et enfin s’agissant du profil de risque des clients liés à l’Ukraine et à la Russie.

Les sanctions internationales

L’impact le plus immédiat auquel on peut penser en matière de LCB-FT est évidemment celui lié aux sanctions internationales. Les sanctions évoquées par l’Union Européenne sont de différentes natures : on peut relever les sanctions diplomatiques, dont la décision la plus notable est celle de la suspension de la Russie du G8 (devenu de fait le G7) en 2014, les sanctions économiques d’ordre général, comme les interdictions d’échanges de certains produits ou la suspension de la mise en service du gazoduc Nord Stream 2, et enfin les sanctions financières ciblées.

Ces dernières sanctions prévoient le gel des avoirs et l’interdiction de financement de personnes, physiques ou morales, listées par les autorités internationales. Le 23 février, le Conseil de l’Union Européenne a ainsi pris un premier paquet de sanctions visant 336 parlementaires, 23 personnalités politiques, militaires et financières - dont plusieurs membres du gouvernement - et trois banques russes.

Pour les établissements financiers, l’impact opérationnel est immédiat : il s’agit de mettre à jour les listes de personnes faisant l’objet de gel des avoirs et de bloquer toute transaction les impliquant, afin de se mettre en conformité avec les exigences du Code Monétaire et Financier (notamment l’article L.562-1 et suivants) et les règlements européens portant sur les mesures restrictives. Les mesures de gel doivent être mises en œuvre par les établissements sans délai et avec une obligation de résultat. Les personnes faisant l’objet de nouvelles mesures de gel ont d’ores et déjà été renseignées dans le registre national tenu par la Direction Générale du Trésor.

Au-delà de l’actualisation des listes internes de personnes gelées, les établissements concernés devront probablement effectuer une revue de leur portefeuille, afin de s’assurer qu’ils ne comptent pas dans leur clientèle de personnes sanctionnées ou associées à une personne sanctionnée.

En complément des mesures de gel, il faut s’attendre à ce que les sanctions internationales concernent également des zones géographiques, avec la mise sous embargo probable des régions du Dombass et de Lougansk, comme ce fut le cas pour la Crimée. Il conviendra donc pour les établissements financiers de procéder à une revue de portefeuille pour identifier les éventuels clients présents dans ces régions, et d’effectuer des contrôles des flux à destination de ces zones.

La mise à jour de la cartographie des risques

Au-delà des sanctions internationales directes, les établissements financiers devront mettre à jour leur cartographie des risques de manière proportionnelle aux évolutions de la guerre en Ukraine, en application des articles L.561-4-1 et L.561-32, et tel que décrit dans l’arrêté du 6 janvier 2021. Il s’agira essentiellement d’ajuster l’axe géographique afin de prendre en compte la situation en Ukraine. Si les régions séparatistes portent en effet un risque significatif en matière de financement d’activités militaires illégales et de blanchiment de capitaux, l’impact d’une guerre touche évidemment les régions à proximité. Les risques d’activités illégales, de développement de trafic d’armes et de produits illicites, ou de financement de groupuscules armés sont conséquents dans tous les territoires touchés par les conflits. Les contrôles des établissements financiers devront être ajustés en conséquence.

La mise à jour des profils de risques de certains clients

En lien avec ce second point, on peut enfin supposer que la situation en Ukraine risque d’impliquer une revue des profils de risques LCB-FT de certains clients. Si augmenter le niveau de risque de tous les clients ayant la nationalité ukrainienne semble disproportionné, il convient toutefois d’effectuer une revue du portefeuille de clients entretenant des liens avec l’Ukraine et les régions séparatistes : des entreprises clientes commerçant ou ayant des échanges dans la région, des éventuels ressortissants ukrainiens susceptibles d’envoyer des fonds dans ces régions, etc. Les établissements les plus exposés en Ukraine seront bien sûr ceux qui devront procéder aux revues les plus conséquentes.

Ces contrôles s’accompagnent de contraintes à prendre en compte d’une manière plus générale pour les dispositifs de contrôle interne des établissements : des contrôles permanents et périodiques doivent prendre en considération ces différentes obligations. S’agissant des sanctions, il s’agira également de mettre en place des contrôles permettant d’identifier d’éventuelles pratiques de contournement.

 

Le conflit entre l’Ukraine et la Russie devrait donc avoir des conséquences significatives et immédiates pour les établissements financiers en matière de LCB-FT. Outre ces différents aspects, cette situation implique évidemment d’autres risques opérationnels conséquents, notamment les risques de cyberattaque pour les banques.

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