PPE, Bénéficiaires effectifs: les évolutions de la réglementation contre des personnes spécifiques

AT est en charge de la supervision de la LCB-FT au sein d’une institution du régulateur bancaire depuis plusieurs années. Il a également travaillé sur les thématiques du risque opérationnel et de la gouvernance.

Les Personnalités politiques régulièrement impliquées dans des affaires de criminalité financière

​Les évolutions récentes de la réglementation ont permis d'accroître la vigilance sur des individus et ont ainsi élargi le périmètre de notion d'une catégorie de citoyen vue comme particulièrement susceptible de se livrer à des délits d'évasion fiscale, de fraude fiscale et de corruption, appelée Personnes Politiquement Exposées (PPE).

Ces dernières années, et encore ces derniers jours, nous avons été spectateurs de multiples exemples de cas de délits intentionnels et dissimulés de personnalités politiques. Les faits dévoilés dans les journaux ne reflètent souvent qu'une partie des actes commis. Ces agissements, qui ont choqué l'opinion publique, ont incité les pouvoirs publics à agir rapidement en accentuant la surveillance des PPE.

​La transposition de la quatrième Directive anti-blanchiment a permis de contribuer à une vigilance accrue sur les individus et a ainsi élargi le périmètre des PPE aux dirigeants d’organisations internationales et aux cadres de direction de la fonction publique, permettant de ce fait une surveillance renforcée de leurs transactions et opérations financières.

Un accroissement de la vigilance sur les Bénéficiaires effectifs

​L'application de cette Directive a également durci les conditions de vigilance à l'égard des bénéficiaires effectifs, définis comme étant la ou les personnes détenant 25% des droits capitalistiques ou droits de vote d'une personne morale, ou à défaut les dirigeants effectifs de la société. Ainsi, ces personnes qui pouvaient, sous la protection et l'opacité de plusieurs sociétés imbriquées au niveau international, transférer ou faire transiter des flux à travers des schémas complexes de transactions - comme l'affaire des Panama Papers a pu le dévoiler - devront désormais être plus fortement soumises) des obligations de reconnaissance et à une intensification de leurs contrôles et vérifications.

​Dans cet objectif, la cinquième Directive anti-blanchiment, dont une première partie a été transposée dans le droit français il y a environ un an, prévoit dorénavant pour les sociétés enregistrées au registre du commerce et des sociétés une obligation de transmettre l'identité et les informations personnelles de leurs bénéficiaires effectifs. La société a en outre l'obligation de déclarer toute modification (nouveau bénéficiaire effectif ou changement des informations) dans un délai de 30 jours. L'accès aux informations principales du Registre National des Bénéficiaires Effectifs (RNBE) est à présent accessible sur demande.

​De plus, cette nouvelle Directive impose désormais au bénéficiaire effectif lui-même de communiquer toute information demandée par la société dans un délai maximum de 30 jours. Passé ce délai, à défaut de réponse ou en cas d'information erronée, ma société peut demander un recours judiciaire pour obtenir une injonction de transmission de ces informations. En outre, la réglementation exige des vérifications sur la déclaration des bénéficiaires effectifs et les données du RNBE par les établissements financiers, les experts comptables et l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), afin de signaler toute incohérence ou contradiction au greffier du tribunal de commerce. Des sanctions pourront être prononcées en cas de manquement à ces obligations. D’autres renforcements d'actions sur les bénéficiaires effectifs sont également étendus à des structures juridiques complexes que nous pourrons présenter ultérieurement.

Pour résumer, l'ensemble de ces textes a notamment pour objectif de cibler et d'identifier précisément les personnes les plus à risque en matière d’évasion, de fraude fiscale et de corruption. Il cible en particulier les personnes pouvant dissimuler ou soustraire le résultat de leurs bénéfices au travers de moyens de contournement, notamment les sociétés écrans, très opaque et ne permettant pas la traçabilité des circuits financiers. Avec l'évolution et le renforcement du cadre juridique - faisant suite aux révélation dévoilées sur la place publique - il devient ainsi de plus en plus compliqué pour ces individus de détourner, en tout illégalité, ces montants du circuit de l'économie réelle.

​Ces mesures devront être renforcées de façon continue pour lutter efficacement contre ces fraudeurs, de dimension parfois internationale. Nous pouvons cependant nous demander si ces règlements vont assez loin en ne ciblant qu'une partie des personnes à risque de pratiquer fraude et corruption, et ne sont pas en retard avec les dernières affaires judiciaires, comme en témoigne des affaires de plus en plus fréquentes d'individus occupants des postes dans la Direction de grands groupes ou dans l'Administration publique.

AT

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