Commission d’enquête sur les narcotrafics : de quoi s’agit-il ?
Depuis quelques mois, le Sénat français voit ses travaux rythmés par des entretiens avec des professionnels de la lutte contre les trafics de stupéfiants. Ces entretiens s’inscrivent dans une série d’audition initiées par la commission d’enquête sur l’impact du narcotrafic en France, formellement créée le 21 novembre 2023 et présidée par le sénateur Jérôme Durain. Au programme : des auditions publiques et à huis clos, des témoignages d’acteurs de terrain, des échanges avec le gouvernement et à terme la rédaction d’un rapport.
Pourquoi cette commission d’enquête ?
La commission d’enquête sénatoriale est motivée par l’ampleur et l’évolution du trafic de drogue en France, dont l’explosion récente est confirmée par tous les acteurs interrogés par les parlementaires. Parmi les chiffres chocs mentionnés par la commission, on retiendra les près de 28 tonnes de cocaïne saisies en France en 2022, soit cinq fois la quantité saisie en 2012, les 3,5 milliards d’euros qui seraient générés par le trafic, mais aussi et surtout l’augmentation significative des faits d’homicides ou de tentatives d’homicides liés aux trafics – en hausse de près de 60% en 2023 par rapport à l’année précédente. Au-delà des chiffres, la France craint par ailleurs d’être touchée par la crise des opioïdes qui frappe l’Amérique du Nord depuis 2015. Enfin et en parallèle des travaux de la commission, les opérations « place-nette » se multiplient sur le territoire depuis quelques semaines, à grand renfort de communication gouvernementale.
Les objectifs de la commission reposent sur deux piliers complémentaires : d’une part proposer des pistes d’évolutions législatives pour améliorer l’efficacité de la réponse de l’État, d’autre part dresser un état des lieux de la situation française. Avec plusieurs questions en ligne de mire : comment la drogue entre sur le territoire national ? Comment le narcotrafic se structure-t-il ? Comment et pourquoi se développe-t-il ?
Une quarantaine de personnes auditionnées, des pistes déjà évoquées
Parmi les personnes entendues : le ministre de l’économie Bruno Le Maire, l’ancien procureur général François Molins ou encore Florian Colas, le patron de la direction du renseignement et des enquêtés douanières que nous avons récemment interviewé et qui a depuis été nommé directeur général des douanes. Mais aussi un certain nombre de policiers, chercheurs, magistrats et même un ancien trafiquant.
Tous ou presque s’alarment d’une intensification des trafics et de la violence qui les accompagnent. Mais plusieurs maillons faibles du dispositif sont pointés du doigt, notamment des cas de corruption à tous les étages.
Parmi les solutions mentionnées, un renforcement de la coopération internationale, des sanctions plus lourdes contre les consommateurs, ou encore le projet de sanctions administratives de gel des avoirs des grands narcotrafiquants, d’ores et déjà annoncé par Bruno Le Maire.
Les travaux de la commission doivent s’achever début mai. La majorité des auditions, filmées, peuvent être consultées depuis le site du Sénat.
Mise à jour du 21 mai 2024: la commission a remis ses conclusions et recommandations dans un rapport, dont nous vous parlons dans cette publication.