L’OFAC émet des nouvelles sanctions contre la Russie
Le département du Trésor américain vient d’annoncer une nouvelle série de sanctions visant des sociétés soupçonnées de soutenir les forces armées russes et de contourner les restrictions commerciales et technologiques en vigueur. Nous profitions de cette occasion pour revenir sur les sanctions économiques et financières adoptées par les États-Unis à la suite de l’invasion de l’Ukraine, comme nous l’avons fait pour les sanctions européennes.
Même si ces sanctions ne concernent en principe que les entités américaines ou présentes aux États-Unis, le gouvernement américain considère de fait que son droit dispose d’une dimension extraterritoriale. Aussi, toute société disposant d’activités ou d’entités sur le territoire américain ou en lien avec les États-Unis s’exposerait à des amendes en cas de non-respect de ces mesures de sanctions, même pour des activités réalisées en dehors du territoire étasunien. Les risques stratégiques associés aux régimes de sanctions incluent les risques réglementaires, financiers et réputationnels.
Des centaines de personnes sanctionnées depuis février 2022
Depuis l’invasion par la Russie de la Crimée, en 2014, et plus encore de l’ensemble du territoire ukrainien en février 2022, les États-Unis, par l’intermédiaire de l’Office of Foreign Assets Control (OFAC), ont imposé une série de sanctions économiques et financières au sein de plusieurs paquets. Certaines sanctions sont de nature sectorielle : il s’agit de restriction d’importation de biens russes afin d’affaiblir l’économie et le pouvoir du Kremlin, ou à l’inverse de restriction d’exportation vers la Russie de produits et services qui, en raison de leur utilité première, de leur composition ou de leurs facteurs technologiques, pourraient favoriser l’offensive russe. D’autres mesures concernent des sanctions ciblées : il s’agit de mesures requérant le gel des avoirs et des ressources économiques de personnes ou d’entités désignées. L’ensemble de ces mesures est compris sous le nom de mesures restrictives.
Au fil des différents paquets, les sanctions américaines ont touché plusieurs centaines d’individus et entités, dont des responsables politiques et militaires, des oligarques, des personnalités médiatiques, des entreprises stratégiques et des fournisseurs industriels et technologiques.
Les sanctions américaines sont comprises au sein de différents actes et décisions, notamment:
Les Executive Orders mentionnant les restrictions sectorielles, dès juillet 2014;
Les orders ciblant spécifiquement des personnes désignées, à partir de mars 2014, puis dans des proportions plus importantes en février 2022;
Des amendements supplémentaires aux décisions de sanctions, déployés progressivement depuis 2022 et ciblant plusieurs centaines de personnes physiques et morales. La dernière décision, publiée ce 23 août 2024, impose le gel des avoirs et les restrictions d’opérations à plus de 400 personnes impliquées dans l’approvisionnement direct ou indirect de l’armée russe.
Identification, mise en œuvre, obligation de résultat : des enjeux nombreux pour les entreprises exposées
Comme pour les sanctions européennes, la mise en œuvre des mesures restrictives américaines soulève de nombreux enjeux organisationnels et opérationnels pour les institutions financières concernées. Les transactions, virements, paiements, transferts de fonds ou de produits financiers vers des personnes désignées doivent être bloqués, et leurs avoirs et ressources économiques doivent être gelés. Aussi, les banques, organismes d’assurance, établissements de paiement, établissements de monnaie électroniques, etc. doivent s’assurer de l’identification sans délai des personnes sanctionnées, au sein de leur clientèle mais aussi lorsque ces personnes sont émettrices ou bénéficiaires d’une transaction. Le principal enjeu repose donc sur le filtrage des listes émises par l’OFAC. Ces travaux de filtrage et d’identification sont en général réalisés par des départements internes spécialisés – la Conformité, la Sécurité Financière ou une fonction Sanctions dédiée. Le filtrage peut également être externalisé à un prestataire spécialisé, mais la responsabilité de la mise en œuvre repose bien sûr toujours sur l’institution financière qui procède aux transactions.
Outre les enjeux d’identification et de filtrage, la mise en œuvre des régimes de sanctions américaines peut impliquer des problématiques en matière de délai de prise en compte des listes, d’identification des personnes sanctionnées, de traitement des faux positifs, etc. Par conséquent, outre des ressources suffisantes, on ne saurait que recommander aux établissements concernés de déployer des contrôles à posteriori complémentaires et de réaliser une veille stratégique. En cas de mise en œuvre d’une mesure de gel – ou le cas échéant de la non application d’une mesure restrictive – l’entité doit en informer l’OFAC, tout comme elle doit informer la Direction générale du Trésor en France pour l’application des sanctions nationales.
La mise en œuvre des sanctions américaines et européennes est cependant facilitée par le fait qu’une grande partie des personnes sanctionnées dans la cadre de la guerre en Ukraine est commune aux deux régimes de sanctions.
Médias, visas, espace aérien : au-delà du gel des avoirs, des sanctions variées
Si le sujet des mesures restrictives constitue le principal enjeu pour les établissements financiers, les régimes de sanctions émis par le Trésor américain à l’encontre de la Russie incluent bien sûr de nombreuses autres mesures visant à affaiblir le pouvoir russe. A l’instar de l’Union Européenne, les États-Unis ont fermé leur espace aérien aux avions civils et privés russes, banni de leur territoire des entreprises russes ou affiliées à la Russie, adopté des restrictions à l’encontre de médias et sites d’informations russes ou encore limité l’attribution de visas et appliqué des sanctions diplomatiques. Des mesures aux impacts géopolitique et symbolique forts.
L’ensemble des listes de sanctions américaines est accessible depuis le site de l’OFAC.
