« Néobanque » : terme flou et risque de BC-FT

Le terme néobanque est à la mode. Sur les moteurs de recherche, le terme renvoie à de nombreux articles comparant les néobanques et leurs prestations. Mais que désigne-t-on vraiment ? D’après les comparatifs (ici, ou encore ici) il s’agirait d’un terme synonyme de « banque mobile ». L’ avancée est modeste : qu’est-ce qu’une banque mobile ?

À proprement parler, une banque mobile est une banque proposant des services financiers et des opérations réalisables depuis un téléphone portable, via une application, et permet donc de se passer de l’existence physique d’une agence. Les banques mobiles jouent par exemple un rôle capital sur une partie du continent africain, où certaines régions sont dépourvues d’infrastructures permettant la présence d’un établissement bancaire. L’ usage du téléphone portable rend donc possible l’accès aux services bancaires pour une population qui en était jusque-là exclue.

En France, dans la mesure où toutes les banques – y compris les établissements traditionnels – proposent des applications sur smartphone, parler de banque mobile n’a donc pas grand sens.

Sur les comparatifs de néobanques, on trouve toutefois rapidement des noms : N26, Ma French Bank, Hello Bank, Orange Bank ou encore Au max pour moi.

Quelques rappels s’imposent toutefois : d’abord, la plupart de ces banques digitales (qui sont donc essentiellement caractérisées par leur absence de présence physique) appartiennent à des grands groupes et représentent donc essentiellement une segmentation marketing. Ma French Bank appartient ainsi au groupe La Banque Postale, Hello Bank à BNP Paribas ou encore Aumax à Arkéa, elle-même membre du réseau Crédit Mutuel. Ensuite et surtout, le terme néobanque est utilisé pour décrire des activités parfois très différentes, dont la solidité n’est pas toujours attestée (la faillite de Swoon était récemment mentionnée dans la presse, et les inquiétudes des anciens clients ne sont pas encore levées).

Un rappel à l’ordre de l’ACPR

Face au risque de multiplication du terme et des éventuelles fraudes ou arnaques associées, l’ACPR a souhaité clarifier la situation en publiant une note de rappel quant à l’usage du terme. Et cela tient en peu de mots : (1) il n’y a pas de définition juridique pour le terme néobanque, et une entreprise souhaitant se qualifier de la sorte doit donc d’abord être une banque, et (2) employer le terme de banque (ou donc de néobanque) pour désigner une entreprise n’étant pas agrémentée en tant qu’établissement de crédit est illégal. L’ obtention d’un tel agrément s’obtient auprès du régulateur.

La dernière phrase de cette note est en outre éloquente : « ce rappel pédagogique de la réglementation en vigueur poursuit un objectif de protection de la clientèle ».

Et la LCB-FT dans tout ça ?

L’ obligation de protection de la clientèle passe aussi par la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. En début d’année, nous rappelions les risques conséquents associés aux fintechs qui étaient spécifiquement identifiés dans l’analyse nationale des risques de BC-FT en France, conduite par le Comité d’Orientation de la LCB-FT (COLB).

Pour les raisons évoquées dans la note de l’ ACPR citée ci-dessus, le COLB n’utilise pas le terme de néobanque. L’ analyse des risques de BC-FT ne distingue ainsi pas les établissements, qu’il regroupe sous le terme de banque de détail. Il n’identifie par ailleurs pas de risque spécifique relatif aux banques à distance ou aux services bancaires sur internet, comme peuvent l’être d’autres activités ou produits bancaires (par exemple la banque privée ou la correspondance bancaire).

Pour autant, il n’est pas difficile d’identifier que les risques liés à certaines opérations sont plus importants au sein des banques à distance qui facilitent ou privilégient ces opérations. C’est notamment le cas des virements instantanés, mentionnés comme plus à risque dans le rapport du COLB et souvent mis en avant par les banques en ligne, mais aussi du risque transfrontalier, potentiellement plus courant avec ce type de banques.

Le crédit à la consommation est également identifié comme facteur de risque important pour le financement du terrorisme. Or, les néobanques mettent souvent en avant la rapidité et la facilité de demande d’un crédit en ligne, a priori plus accessible que les crédits traditionnels devant être demandés en agence. Le constat est le même concernant certains produits et services financiers, comme l’investissement dans les cryptoactifs, que certaines néobanques peuvent proposer (c’est le cas de Revolut par exemple). En somme, les néobanques vendent de l’innovation technologique, qui peut porter en elle un risque de BC-FT.

Enfin, et de manière plus anecdotique, les banques en ligne procèdent de fait à une entrée en relation à distance. Celle-ci implique une vigilance accrue, tel que mentionné dans les articles L-561-10 et R-561-20 du Code Monétaire et Financier et rappelé dans les lignes directrices de l’ACPR relatives à l’ identification de la clientèle. L’ entrée en relation à distance induit donc un enjeu de connaissance de la clientèle. Et bien sûr, au-delà de la LCB-FT, cette relation à distance favorise le risque d’usurpation d’identité et de fraude, qui a effectivement explosé ces dernières années.

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