Eurojust publie un rapport consacré aux cas de blanchiment transfrontaliers
L’agence européenne Eurojust vient de publier un rapport consacré au blanchiment d’argent.
Le rapport, assez volumineux et très documenté, conclut une analyse de plusieurs cas suivis par Eurojust au cours des cinq dernières années : l’agence indique en effet avoir traité 2870 affaires de blanchiment transfrontalières sur les années 2016 à 2021. Le rapport revient donc sur les infractions constatées, les mécanismes de blanchiments d’argent, les informations financières et bancaires, le recouvrement des avoirs, la coopération entre les pays, le rôle du parquet européen, les conflits de compétences et enfin les échanges d’informations entre les pays.
Le rapport souligne d’abord la croissance des cas de blanchiment qui ont sollicité Eurojust, puisque ces derniers ont été en augmentation continue ces dernières années, et ont concerné près de 15% de l’ensemble des cas impliquant l’agence. L’ensemble des pays membres de l’UE ont été concernés par ces affaires de blanchiment transfrontalières, la France étant le deuxième pays le plus exposé après l’Italie.
Le recours aux cryptoactifs comme mécanisme de blanchiment en pleine croissance
Le rapport revient par ailleurs sur les différents schémas de blanchiment identifiés par Eurojust, notamment le détournement de l’utilisation d’entités légales (comme les banques ou les cabinets d’avocats), utilisés de manière transfrontalière pour réintroduire dans les circuits économiques des avoirs criminels, mais aussi des situations plus récentes et moins courantes, comme l’utilisation de cryptoactifs, pratique présentée comme en développement. L’agence indique également avoir travaillé sur des affaires aux modalités plus habituelles, tel que le recours à l’échange de lingots d’or comme facilitateurs de blanchiment.
A l’issue du rapport, plusieurs « défis juridiques » sont identifiés afin d’améliorer l’efficacité de la réponse européenne en matière de lutte contre le blanchiment, notamment les écarts entre les différentes législations nationales, les difficultés techniques liées à l’utilisation de cryptoactifs, les difficultés persistantes dans l’identification des bénéficiaires effectifs des avoirs criminels ou encore les faiblesses dans la coopération avec des pays hors UE.
Par ailleurs, le rapport identifié également plusieurs « bonnes pratiques », dont l’émission de décision d’enquête au niveau européen, le recours à des bureaux de recouvrement des avoirs, la coopération entre les parquets et les cellules de renseignement financier locales, ou encore la sollicitation plus récurrente des unités de proximité d’Eurojust.
Harmonisation, coopération, synchronisation : des leviers bien identifiés
Le fait qu’Eurojust s’intéresse aux affaires transfrontalières de blanchiment apparaît comme très pertinent, dans la mesure où les mécanismes complexes de blanchiment profitent bien souvent des difficultés géographiques à lutter contre des réseaux internationaux. Les pistes d’amélioration au niveau européen sont identifiées depuis longtemps : renforcer la coopération entre les différents acteurs nationaux et internationaux (CRF, parquets, équipes d’investigation, etc.), harmoniser les législations, partager les informations issues des établissements financiers… L’agence européenne semble en tout cas vouloir se positionner comme un acteur de la centralisation européenne des moyens de lutte antiblanchiment, en attendant - ou en complément de - la future AMLA.
Eurojust a également publié une synthèse en français de son rapport, téléchargeable en suivant ce lien.