Conférence annuelle de l’ACPR : que retenir pour la LCB-FT ?

L’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) tenait le 5 décembre dernier sa traditionnelle conférence annuelle, ouverte au public. Un programme chargé, aux intervenants multiples, évoquant aussi bien les risques climatiques pour les acteurs financiers que la protection de la clientèle.

Ce qui nous intéresse le plus, c’est évidemment la demi-heure qui a été consacrée à la LCB-FT. Après une année rythmée par les mesures de sanctions prises à l’égard de la Russie, l’ACPR avait fait le choix de consacrer cette présentation à la thématique du gel des avoirs. Celle-ci fut rythmée par deux interventions : d’abord celle de Pierre Allegret, Chef de bureau sanctions financières à la Direction Générale du Trésor, puis celle d’Emilie Yustos, Contrôleuse sur place de l’ACPR.

La première intervention a surtout été l’occasion de rappeler l’organisation française s’agissant des mesures de sanctions : leur adoption dépend du ministère des affaires étrangères, tandis que la mise en œuvre est de la responsabilité de la DGT. L’ACPR intervient en tant que support et interlocuteur vis-à-vis du secteur financier, principal acteur du déploiement opérationnel des mesures de gel. La grande variété de ces mesures depuis l’invasion de l’Ukraine est d’ailleurs soulignée, puisqu’au-delà des nombreux paquets visant des personnes, les sanctions ont aussi impliqué des restrictions visant importations et exportations.

Des dispositifs globalement solides, quelques carences persistantes

La seconde intervention permet de souligner quelques enseignements issus de missions sur place conduites par l’ACPR depuis le début de l’année 2022 : on apprend ainsi que sept missions dédiées au gel des avoirs ont été conduites par les équipes de contrôle sur place, au sein de six établissements de crédit et d’un organisme d’assurance – la liste des établissements concernés n’est pas communiquée. Ces différentes missions visaient à répondre à une grande question : les établissements financiers ont-ils eu la capacité opérationnelle d’absorber les multiples mesures de gel et désignations liées aux sanctions visant la Russie ?

Pour une fois, l’ACPR ne se montre pas avare en information dans sa présentation : il est ainsi indiqué que les missions couvraient quatre thématiques en particulier, dont voici les premières conclusions :

1 – Le premier objectif des missions consistait à mesurer l’efficacité du dispositif de criblage des établissements. Il est indiqué que les équipes de contrôle n’ont identifié qu’un cas de personne faisant l’objet de sanctions et n’ayant pas été détectée en raison d’un écart entre l’année de naissance renseignée dans la base clients de l’établissement et celle issue des listes de la DGT. À cette exception près, l’application opérationnelle des mesures de criblage semble donc avoir parfaitement été appréhendée par le secteur financier ;

2 – Le second objectif s’intéressait aux délais de mise en œuvre – à la fois des mesures de sanctions et du traitement des alertes en résultant. La situation est cette fois plus complexe : les fournisseurs de listes ont parfois rencontré des difficultés dans les déploiements des mises à jour, ce qui a impliqué des délais parfois importants dans la mise en œuvre des mesures de gel : jusqu’à dix jours dans certains cas. L’ACPR met ainsi en garde les établissements s’agissant des obligations contractuelles avec les fournisseurs de listes concernant les délais : ceux-ci sont rarement précisés, alors que la responsabilité finale repose bien sur les institutions financières. En dehors de ces difficultés occasionnelles, les délais moyens de prise en compte des listes sont plutôt d’environ 24 heures ;

La qualité des données : la condition d’un dispositif de gel efficace

3 – La troisième thématique faisant l’objet de contrôles spécifiques au sein des missions de l’ACPR concernait le paramétrage des outils de criblage, notamment leur taux de rapprochement orthographique. Les tests menés par les équipes de contrôle sur place impliquaient des variations orthographiques ou des rapprochements de plusieurs prénoms ou noms. Les établissements financiers contrôlés semblent avoir pu supporter ces tests sans difficulté majeure, à quelques exceptions près puisque quelques algorithmes trop restrictifs excluaient certains noms – notamment un outil requérant obligatoirement la présence d’une date de naissance.

Ce point est toutefois l’occasion pour l’ACPR de rappeler l’importance pour les établissements de disposer de données précises et complètes dans leurs bases : la qualité de donnée apparaît en effet comme une condition d’un dispositif de criblage efficace – aussi bien pour détecter les personnes faisant l’objet de mesures de gel que pour traiter de manière appropriée leur dossier client et adapter les mesures de vigilance.

4 – Ce dernier point constituait justement le dernier objectif des contrôles. Les contrôleurs de l’ACPR ont en effet revu plusieurs dossiers de clients faisant l’objet de mesures restrictives. Les anomalies constatées portaient essentiellement sur des opérations passées par des personnes sanctionnées, de faibles montants mais initiées sans dérogation préalable de la DGT.

Cette conférence thématique sur le gel des avoirs nous permet donc d’y voir un peu plus clair sur les travaux sur place menés par l’ACPR cette année : malgré quelques anomalies constatées – il est trop tôt pour savoir si celles-ci auront des conséquences disciplinaires pour les établissements les plus exposés – les dispositifs de l’industrie financière semblent avoir encaissé les différentes vagues de sanctions déployées en 2022.

Le programme complet de la conférence est disponible au format PDF en suivant ce lien.

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