Le COLB publie un premier rapport d’activité
Le Conseil d’Orientation de la Lutte contre le Blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (COLB) vient de publier, pour la première fois, un rapport d’activité sur l’année 2022. L’occasion pour cette enceinte de coordination nationale de faire le point sur son rôle, mais aussi plus largement sur les évènements liés à la LCB-FT.
Une grande première qui nous apporte plusieurs éléments assez précis et informations inédites sur le dispositif national de LCB-FT.
2022: une activité soutenue pour le dispositif national de LCB-FT
La première partie du document est consacrée à l’activité du COLB en 2022. Le rapport revient ainsi largement sur l’évaluation de la France par le GAFI, un exercice présenté comme « riche d’enseignements » pour le COLB, qui se félicite évidemment d’un résultat démontrant « la très grande qualité » du dispositif français, notamment s’agissant de la « coopération internationale, des enquêtes et poursuites pour financement du terrorisme, ainsi que de la politique de saisies et confiscations ».
La mise à jour de l’Analyse Nationale des Risques (ANR) de BC-FT est aussi évoquée – sa version la plus récente, publiée début 2023, prenant davantage en compte les « nouvelles formes de criminalité financière », et se voyant enrichie de plusieurs chapitres dédiés à des évènements conjoncturels (l’étude de l’impact du Covid-19) ou voués à faire désormais l’objet d’une actualisation régulière (tels que les agents sportifs), via la création de groupes de travail dédiés.
Enfin, ce chapitre prend le temps de promouvoir le plan d’action interministériel de LCB-FT, adopté en 2021 sous l’autorité du Premier ministre.
Par ailleurs, le volet international est brièvement évoqué, mentionnant en vrac les négociations en cours de la prochaine version de la Directive européenne antiblanchiment, le projet de création d’une autorité européenne de la LCB-FT, l’AMLA, mais aussi la mise en œuvre des sanctions prises à l’encontre de la Russie – sur ce dernier point, le COLB indique avoir été mobilisé pour sensibiliser les professionnels assujettis.
Les contrôles réalisés par les autorités LCB-FT: des chiffres précis et inédits
Le rapport s’intéresse ensuite aux activités des autorités LCB-FT en France. On y découvre notamment un tableau intéressant (pages 24 et suivantes – voir ci-dessous) permettant de constater l’ampleur des activités de contrôle LCB-FT menées par l’ACPR et l’AMF – notamment des centaines d’entretiens et une cinquantaine de contrôles dédiés à la LCB-FT chaque année. Le COLB revient également sur les suites données à ces travaux sur place, ce qui permet un panorama beaucoup plus complet que les seules données sur les sanctions publiées. On découvre ainsi par exemple qu’en 2021, sur les 55 contrôles sur place dédiés à la LCB-FT menés par l’ACPR, tout secteur confondu, 40 ont donné lieu à une lettre de suite, 9 à une mise en demeure et 7 à une sanction disciplinaire. À notre connaissance, jamais des données aussi précises et complètes sur l’activité de contrôle du régulateur n’avaient été rendues publiques.
Ce chapitre revient aussi sur l’activité déclarative des assujettis : on apprend ainsi que 95% des déclarations de soupçons (DS) envoyées à Tracfin sont issues du secteur financier, mais surtout que le volume de DS envoyées s’est accru de 45% en 2021 par rapport à l’année précédente - un chiffre à isoler de la crise du Covid-19, puisque l’activité déclarative en 2020 était déjà en croissance par rapport à 2019.
Le rapport s’intéresse bien sûr aux acteurs non-financier, et en dresse un panorama assez complet (tableau 7, pages 34 et suivantes), notamment s’agissant des contrôles LCB-FT conduits par les autorités compétentes. Certains chiffres sont assez impressionnants (en 2021, plus de 7000 contrôles menés pour le secteur des casinos et des jeux, 6700 contrôle sur les notaires, 6000 contrôles sur les avocats) et témoignent de l’ampleur de l’activité de contrôle des autorités sectorielles. Par contraste, certains secteurs apparaissent assez « préservés », en particulier les marchands d’arts et d’antiquités, profession pourtant assez exposée au risque de blanchiment et qui a fait l’objet d’une quinzaine de contrôles seulement ces dernières années alors qu’ils représentent plusieurs milliers d’acteurs. Les sanctions pour infraction LCB-FT infligées par la Commission nationale des sanctions aux acteurs non financiers apparaissent toutefois très légères (tableau 10, page 44) : environ 70 sanctions prononcées chaque année depuis 2018, pour un montant d’amende moyen inférieur à 20 000 euros.
Un point sur les services répressifs
On retrouve aussi des chiffres intéressants concernant l’activité des services d’enquêtes et plus largement du volet répressif du dispositif national de LCB-FT. On apprend ainsi qu’entre 2015 et 2020, entre 200 et 350 enquêtes ont été ouvertes chaque année à partir d’un signalement de Tracfin. Ces enquêtes portent en général sur des mécanismes financiers de grande envergure, et ciblent en priorité les schémas complexes liés à la criminalité financière. Les enquêtes ouvertes à la suite d’un signalement de Tracfin s’ajoutent aux autres enquêtes financières : au total, environ 1100 enquêtes pour blanchiment sont ouvertes chaque année, ciblant environ 1700 personnes et donnant lieu à 1300 condamnations. Le taux de condamnation des personnes jugées pour blanchiment atteint environ 75% (tableau 14, page 53), en extrême majorité des personnes physiques. Le trafic de stupéfiants et la fraude fiscale, sociale ou douanière demeurent les principaux motifs d’infractions sous-jacentes.
Les enquêtes ouvertes pour financement du terrorisme sont évidemment beaucoup moins nombreuses et s’étendent en général sur un temps nettement plus long : on en compte une vingtaine chaque année.
La dernière partie du rapport revient enfin sur les sanctions financières internationales et les mesures restrictives, mais de manière très limitée dans la mesure où les mesures prises à l’encontre de la Russie à la suite de l’invasion de l’Ukraine ne sont pas encore analysées.
Un exercice bienvenu pour l’animation de la filière LCB-FT
La publication de ce rapport constitue une nouvelle source d’informations et un bilan synthétique et transversal pour l’animation générale de la LCB-FT et de la Sécurité Financière. Elle permet de faire le lien entre les différents acteurs, publics et privés, et représente un véritable exercice de transparence, avec des données qui n’étaient jusqu’alors pas publiques, notamment sur les activités des différentes instances du régulateur.
C’est une excellente démarche pour la coordination de la LCB-FT.
Le rapport est accessible en téléchargement en suivant ce lien.
Qu’est-ce que le COLB?
Le Conseil d’Orientation de la lutte contre le Blanchiment de Capitaux et le financement du terrorisme (COLB) est une enceinte étatique de coordination et de concertation dédiée à la LCB-FT. Il a été créé par décret en 2010, et est chargé d’assurer la promotion, le pilotage et l’animation de la stratégie nationale de LCB-FT. Le COLB agit aussi en tant qu’instance de concertation du secteur privé.
Le COLB est composé de représentants de plusieurs services de l’État (douanes, Direction Générale du Trésor, police et gendarmerie, ministère de la justice, cellule de renseignements financier, ACPR, AMF, AFA, etc.). Son secrétariat est assuré par la Direction Générale du Trésor.