Le COLB publie sa nouvelle Analyse Nationale des Risques de BC-FT

Le Conseil d’Orientation de la Lutte contre le Blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (COLB) vient d’annoncer l’adoption de la nouvelle version de l’analyse nationale des risques (ANR) de BC-FT.

Cette analyse, formalisée dans un rapport de près de 200 pages, actualise la précédente version, publiée en septembre 2019. Son objectif est d’identifier « les principales menaces, les vulnérabilités, les mesures d’atténuation et le niveau de risque qui en découle pour chaque vecteur significatif » de BC-FT. Cette publication répond par ailleurs aux obligations européennes et aux standards du GAFI. Surtout, elle constitue le document de référence pour les analyses des risques qui doivent être réalisées et actualisées par les assujettis.

Cette analyse est le fruit d’échanges entre les différents acteurs institutionnels de la LCB-FT, mais fait également suite à une consultation des secteurs assujettis et de l’utilisation de différents travaux, notamment les rapports publiés par Tracfin, les déclarations de soupçon collectées ou encore l’analyse supranationale des risques produite par la Commission Européenne, que nous commentions il y a quelques mois.

Comme pour sa version précédente, le rapport comprend plusieurs chapitres présentant les « menaces » et les « vulnérabilités », en termes de BC-FT, pour différents secteurs, entités et thématiques. 

Fraudes, trafic de stupéfiants et escroqueries : les tendances de 2019 confirmées

La synthèse du rapport expose les principales menaces en matière de blanchiment de capitaux, citant les fraudes fiscales, sociales et douanières, le trafic de stupéfiants et les escroqueries et vols – des domaines déjà identifiés lors de la précédente version de l’ANR et dont le niveau de risque est croissant. La menace terroriste repose pour sa part toujours sur le micro-financement.

La classification des risques par secteur évolue par rapport à sa dernière occurrence, puisqu’elle passe désormais à quatre notes (ajoutant une mention « très élevée ») et se présente sous la forme suivante :

Extrait du rapport de l’ANR 2023 du COLB - page 9

Cette nouvelle matrice demeure globalement cohérente avec celle publiée en 2019, mais intègre quelques éléments nouvellement évalués (les agents sportifs – voir ci-après) et modifications notables (les actifs numériques, passant d’une notation « modérée/modérée » à « très élevée/élevée »). Les quatre secteurs jugés à risque très élevés sont la monnaie électronique, la transmission de fonds, les actifs numériques et une part mineure d’organismes à but non lucratifs. Le financement participatif, les établissements de paiement ou le secteur de l’immobilier demeurent par ailleurs des activités à risque élevé.

La LCB-FT en période de crise : un chapitre consacré au Covid-19

La première partie du rapport est consacrée à l’état des lieux du cadre de LCB-FT français et des principales menaces dont le pays est l’objet. On y apprend notamment qu’au-delà des principales menaces déjà évoquées (fraude, trafic de stupéfiants, escroqueries), certaines typologies de criminalité se sont fortement développées ces dernières années – c’est notamment le cas des escroqueries par logiciel ou ransomwares, en augmentation de plus de 40% en deux ans.

Cette première partie générale du rapport propose toutefois un chapitre inédit et lié à un contexte bien particulier, puisqu’il revient sur l’épidémie de Covid-19. Les années 2020 et 2021 ont ainsi constitué une période de « crise », favorable à l’émergence de nouvelles pratiques criminelles. Sont ainsi cités les contrefaçons et arnaques pour les biens de première nécessité, des faux ordres de virements ou usurpations d’identités favorisés par la baisse de vigilance induite par la généralisation du télétravail, ou encore les détournements de fonds publics accordés pour atténuer les effets de l’épidémie. 

Cryptoactifs, agents sportifs : de nouveaux éléments évalués

La deuxième partie du rapport est consacrée à l’évaluation proprement dite des risques de BC-FT portés par les différents secteurs analysés par le COLB. Les différents chapitres qui composent cette section sont diversement détaillés selon les spécificités du secteur analysé. Mentionnons notamment le vaste chapitre consacré aux organismes à but non lucratif – qui distingue dans sa matrice d’évaluation quatre catégories différentes (selon la réception ou non de subventions publiques et les liens avec d’autres organisations locales en zone sensible) – ainsi que le chapitre consacré au secteur financier – également conséquent au regard du nombre d’acteurs impliqués et proposant des niveaux de risques variés selon l’activité évaluée (les activités se démarquant par un niveau de risque relativement important étant la banque privée et la correspondance bancaire).

Deux éléments évalués apparaissent toutefois comme nouveaux par rapport à l’évaluation de 2019 : d’une part la révision majeure de l’analyse des actifs numériques, et d’autre part l’intégration de l’évaluation des agents sportifs.

S’agissant des actifs numériques, ces derniers avaient bien fait l’objet d’une évaluation lors de l’analyse 2019, qui leur attribuait un risque global jugé comme « modéré ». L’analyse 2023 apparaît cependant bien plus fournie, l’usage des cryptoactifs s’étant encore développé et l’environnement règlementaire étant plus approfondi qu’il ne l’était il y a trois ans. Les vulnérabilités du secteur sont également plus connues, ce qui permet une cotation plus sévère du niveau de risque associé aux actifs numériques, désormais évalué comme ayant un risque très élevé.

Concernant les agents sportifs, ceux-ci sont évalués pour la première fois par le COLB et font l’objet d’un chapitre dédié. L’occasion d’en savoir un peu plus sur un secteur souvent opaque (on recense ainsi 866 agents sportifs, dont 520 pour le football) et porteur de risque de blanchiment – en particulier au niveau des transferts de joueurs ou des commissions des agents – de fraude fiscale, de corruption ou même de trafic d’êtres humains. Le niveau de risque global lié au secteur des agents sportifs est par conséquent jugé élevé.

 

Cette nouvelle analyse conduite par le COLB constitue donc un exercice abouti, assez complet et en cohérence avec l’ANR supranationale conduite de la Commission Européenne. Elle sera normalement complétée au cours de l’année par les analyses sectorielles de risques, conduites par les autorités de contrôle.

Le document complet est accessible en téléchargement en suivant ce lien. Nous avons également ajouté sa mention dans notre section Ressources.

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