Le « derisking » en LCB-FT : une pratique problématique pour l’UE

L’Autorité Bancaire Européenne (ABE) publie régulièrement des rapports, avis et orientations permettant d’évaluer les évolutions de certains risques et pratiques en lien avec la LCB-FT. Le 5 janvier dernier, l’ABE a ainsi publié un Avis sur la pratique de réduction de risque, que l’on appelle plus couramment « de-risking ».

Le derisking consiste pour un établissement financier à refuser d’exercer une activité porteuse de risque, ou à refuser la délivrance de certains produits et prestations aux clients identifiés comme les plus risqués. Il s’agit donc d’une pratique de gestion de risque assez rationnelle : plutôt que de devoir gérer un risque complexe et nécessitant la mise en place d’un dispositif solide, beaucoup d’entités préfèrent tout simplement ne pas s’y exposer. L’ ABE donne pour exemple les nombreux établissements refusant d’entretenir des relations avec des sociétés telles que des établissements de monnaie électronique, des associations à but non lucratif, ou des particuliers tels que des demandeurs d’asile.

Cette pratique de derisking a plusieurs conséquences néfastes :

  • D’abord, elle peut impliquer l’exclusion financière de certains clients et de certaines activités, considérés comme trop risqués, et donc nuire aux objectifs communautaires d’inclusion financière. Au-delà de clients particuliers, cela est par exemple problématique pour les Prestataires de Services sur Actifs Numériques (PSAN), qui éprouvent des difficultés à trouver des partenaires bancaires permettant l’exercice de leur activité, et qui n’ont parfois d’autre choix que de travailler avec des partenaires étrangers ;

  • Ensuite, découlant logiquement du point précédent, cela peut impliquer de déplacer le risque vers d’autres entités ou d’autres territoires moins régulés, réduisant in fine la gestion du risque au niveau collectif ;

  • Enfin et surtout, cela peut témoigner de défaillances dans le dispositif LCB-FT des établissements concernés.

Afin de mesurer l’ampleur et la pratique du derisking dans l’UE, l’ABE a elle-même interrogé plusieurs régulateurs européens, procédé à un appel public à contribution, et échangé avec des associations. Elle conclue de ses travaux que le derisking a notamment un impact négatif sur les objectifs de l’Union en matière de lutte contre la criminalité financière.

L’ABE publie dans son avis plusieurs propositions afin de limiter cette pratique :

  • Elle encourage les régulateurs à s’impliquer davantage afin de favoriser l’inclusion financière des clients les plus exposés auprès des acteurs qui pratiquent le derisking – notamment en les invitant à limiter les produits proposés plutôt que d’exclure toute relation d’affaires ;

  • Elle incite les institutions européennes à clarifier leurs attentes réglementaires en matière de gestion des risques, notamment s’agissant de la révision de la Directive DSP2 afin de faciliter le développement des établissements de paiement.

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